En 2005, je suis allée en train jusqu'à San Francisco, pour faire une petite tournée, visiter des personnes engagées pour la simplicité volontaire sur la côte ouest. C'est en m'assoyant dans le train, ici à Montréal, que j'ai ouvert mon cahier et commencé à écrire Cité Carbone. Je m'étais dit: "Il faut que je commence tout de suite en partant, sinon je ne commencerai jamais!"
Avant ce voyage, je n'étais jamais allée aux États-Unis. Je l'avoue, les États-Unis, c'était un concept abstrait pour moi: "les gros méchants américains qui surconsomment, polluent et font la guerre". Et puis j'ai fait le voyage, arrêtant une nuit à New York, puis une couple d'heures à Washington, à Chicago, traversant ensuite une infinité de villes... Le voyage dure quatre jours, et vraiment ce n'est pas l'Europe: le train est lent, et s'il y a des marchandises à faire passer, les convois de passagers s'arrêtent et cèdent la voie. Nous sommes restés arrêtés en plein milieu de nulle part pendant quatre heures, à un moment donné. Et puis à mesure que le voyage avance, le train est de plus en plus sale, il n'y avait aucun recyclage en 2005, alors les poubelles débordaient de bouteilles d'eau, de verres jetables, des boîtes de carton dans lesquelles ils servaient les sandwichs au petit restaurant du train. Ce voyage serait une histoire en soi, avec les rencontres intéressantes, entre autres celle du groupe de Mennonites habillés totalement comme en 1900... la jeune femme enceinte à qui j'avais tenté de parler m'avait dit, un peu paniquée, qu'elle devait demander à son mari... Et au retour (Vancouver-Toronto), ce vieil Albertain d'origine ukrainienne,qui avait vécu dans une grande misère, enfant, qui était bien sympathique mais se foutait un peu de ma gueule, moi et moi livre qui voulait parler de la fin du pétrole... Mais je ne vais pas tout raconter ici.
Je veux seulement dire que j'ai découvert combien c'était grand, les États-Unis. Concrètement grand. J'ai saisi l'étendue, le nombre de villes, de personnes. La quantité de déchets. La mentalité différente. Mais la diversité aussi: il y a de tout, aux États-Unis.
Je repensais à ça, hier, en prenant conscience que, de la même façon, je suis parfois tellement immergée dans une réalité d'alternatives que je ne perçois plus l'immensité du courant dominant, et la diversité des personnes, des idées qu'on y retrouve, aussi. Et puis j'oublie que c'est un continuum, qu'il des groupes et des personnes tout le long du spectre, pas un grand fossé entre les "alter" et les "mainstream".
Je suis allée hier soir au 5 à 7 où Communauto (clic de droite!) lançait son nouveau logo, sa campagne de pub télé et une espèce de Facebook pour les gens qui souhaitent une ville sans voitures, Communopolis. J'ai mis des pantalons propres, quand même, pour y aller, et j'étais contente car il y avait là beaucoup de monsieurs en complet. Une faune un peu différente de celles des rassemblements où je vais d'habitude (du look décontract jusqu'aux pieds nus)...
Je suis membre de Communauto depuis 2003. J'ai toujours senti chez cette compagnie un réel désir de nous donner le meilleur service possible, et puis ils n'ont jamais cessé d'innover. Vraiment très dynamique. Comme le disait le pdg, Benoit Robert, small is beautiful, mais pour un service d'autopartage comme celui-là, ça prend un grand volume pour que ce soit intéressant et que ça ait un plus grand impact aux niveaux environnemental et urbanistique. Il mentionnait le mouvement d'entreprises "for benefit" en opposition aux entreprises "for profit" (pour lire un article à ce sujet). Que le conseil d'administration soit responsable de préserver la mission, pas de faire faire des profits à tout prix. Une nouvelle manière de voir les choses, en restant à l'intérieur du système capitaliste. Communauto souhaite d'ailleurs un débat public, avec ses abonnés, avant de décider comment profiter des ressources financières du système (bourse, etc.) sans se faire avaler et perdre la mission. Ça brise le concept des "grosses méchantes entreprises". Benoit Robert me disait qu'en étant l'unique actionnaire, il peut vraiment suivre sa vision, sans perdre de temps en discussions avec d'autres qui voient les choses autrement, comme c'était le cas au tout début quand c'était une coop.
La veille, dimanche, je suis allée à l'assemblée d'Aliments d'ici, qui se tenait dans un salon de l'Ayllu. L'Ayllu, c'est un réseau de logements où des gens vivent collectivement et souhaitent mettre en commun leurs ressources (salons pour des réunions, machines, vélos, outils, passes d'autobus, achats alimentaires, etc.). Une solidarité locale, de petites communautés à petites communautés, pour en former une un peu plus grande et pouvoir vivre et satisfaire ses besoins en étant plus autonome vis-à-vis de l'argent, davantage à l'extérieur du système dominant. Une belle rencontre communautaire. (Je pourrais parler longuement d'Aliments d'ici, qui fait vraiment un super beau travail, entièrement bénévole; j'y reviendrai. Bravo à ses organisateurs!)
C'est sûr que les modèles coopératif et communautaire sont essentiels, et que l'apprentissage du consensus et de la résolution de conflits qu'on y fait est important. Et j'ai encore peur de l'entreprise privée et des structures d'autorité. Mais c'est vrai que quand on a une idée, un projet, un élan pour bâtir quelque chose, ça peut être beaucoup plus simple d'avoir la latitude de décider soi-même. C'est une toute autre échelle, mais je n'aurais pas aimé avoir à consulter un comité et trouver un consensus pour décider de la couverture de mon livre. C'était moi, le boss! J'avoue que j'ai été soulagée de lire que Québec Solidaire, ce printemps, avait enlevé de son plan de société l'interdiction de l'entreprise privée que certains souhaitaient y voir. Les nettoyants Lemieux aussi, c'est un projet d'une seule personne, une entreprise privée. C'est vrai que ça peut aller plus vite et mieux convenir à certaines personnalités, l'entreprise privée.
Deux perspectives vraiment différentes. Moi, je trouve ça génial. Il y a de la place pour tout ça. Et je suis contente d'appartenir à une époque où on ne cherche plus à faire coller la réalité à une idéologie, mais où on cherche plutôt à agir, en fonction de nos valeurs, et où on s'adapte à la réalité, au fil du chemin. Et où je me sens la possibilité d'avoir plusieurs appartenances à la fois. Plus réaliste et moins sectaire, notre époque.
Et pour terminer: il y avait une bonne soixantaine de personnes, malgré le temps très pluvieux, au rassemblement pour dénoncer le Grand Prix, dimanche. J'aime la philosophie avec laquelle c'était organisé: lancer le débat, commencer petit, et continuer année après année. Ce sont des changements qui prennent du temps! Bravo au Mouvement québécois pour une décroissance conviviale!
J'ai bien aimé lire ce billet, une mini-chronique de voyages qui respire la diversité des États-Unis. Par ailleurs, concernant tes propos sur l'entreprise privée, le communautarisme, etc. je dirais que c'est le rôle de l'État de créer des balises, des limites pour protéger les citoyens, le patrimoine national et le territoire de la cupidité des entreprises. C'est justement dans la mesure où les États sont affaiblis, comme c'est le cas avec la mondialisation, que les entreprises peuvent abuser en toute impunité de la situation. D'un autre côté, des États aux pouvoirs illimités mènent aussi à d'autres formes de gouvernance indésirable. Autre explication de l'effritement du pouvoir citoyen: la disparition des valeurs communes, favorisée par l'individualisme et la chute de la religion de masse. On pourrait en parler longtemps !
RépondreSupprimerEffectivement, on pourrait en parler longtemps. Est-ce que la religion de masse favorisait le pouvoir citoyen? ou plutôt seulement les valeurs communes... Pour ce qui est de l'individualisme, c'est fou! Je me demandais hier comment en 2011 on peut encore rêver d'une maison, d'une voiture, d'un gros salaire... seulement! C'est tellement légitime de rêver sa propre vie dans l'abondance et la paix. Mais que ce soit tellement déconnecté du reste, c'est fou!
RépondreSupprimerDès la ville d'à côté, la région, le pays il y a des différences ! Il y a ceux qui sont prêts à écouter les gens différents et d'autre non.
RépondreSupprimerC'est un peu la même chose pour le confort, le partage ou ceux qui voyagent sac à dos et auberges de jeunesse ou dans des voyages organisés. Bref il y a de tout (dans un continium) !
Pour faire changer ou faire "évoluer" notre société ou nos comportements, plutôt que simplement dénoncer ou être alarmiste, une implication, des initiatives comme communauto peuvent aider ... (ou comme dans ce blog qui regorge d'informations! merci)
J'ai découvert récemment communauto et le PEP (http://simplifionsnouslavie.wordpress.com/2011/07/21/montreal-et-quebec-mettons-simplement-du-pep-dans-votre-ville/) :cela fait réfléchir quand on habite en ville et qu'on n'utilise pas si souvent sa voiture ...
Bonjour! Merci pour le commentaire. Je n'avais pas encore entendu parler du PEP, merci pour l'info!
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