Je suis un peu en retard parce que je suis davantage en vélo qu'en métro ces temps-ci, et que c'est dans le métro que j'achète ce magazine: dans le numéro du
1er septembre de l'Itinéraire, le camelot Norman Rickert parle de
Cité Carbone, son coup de coeur.
Par hasard, il s'agit d'un numéro sur le thème: "Museler ces plumes qui dérangent". L'article principal rapporte les propos de Valérie Lefebvre-Faucher, l'éditrice d'Écosociété, et de Michel Brûlé, éditeur entre autres des éditions portant son nom.
Points soulevés:
- les médias ignorent parfois délibérément les oeuvres polémiques;
- les auteurs laissent parfois tomber leur projet de livre par peur des représailles;
- la fameuse poursuite-bâillon intentée par Barrick Gold contre Écosociété et les auteurs de
Noir Canada;
- il n'y a plus grand chose qui choque le public; la question nationale québécoise serait peut-être un des seuls sujets tabous.
- les maisons d'édition ont de la difficulté à obtenir des subventions pour des essais ou lorsque les thèmes abordés sont dérangeants;
Cette fameuse question des subventions. Faut-il se battre pour que l'État en donne plus ou faut-il s'en libérer et trouver d'autres manières de se financer? Ne s'agit-il pas là d'une question tabou? ;)
Au fil de coups de téléphone et de courriels demandant des informations à gauche et à droite, j'ai découvert une possibilité pour un livre à compte d'auteur d'être distribué dans les librairies (autrement qu'en allant les porter à la pièce). L'
Alliance québécoise des éditeurs indépendants, au nom de la bibliodiversité, offre ce service. Adhésion annuelle modique de 10$. La remise au diffuseur (Benjamin) est même inférieure qu'avec les autres entreprises (17% au lieu de 20%).
Cité Carbone sera donc distribué dans les librairies à partir du 1er novembre. L'éditeur indépendant est celui qui ne reçoit pas de subventions.
Moi qui suis présentement en lancement de mon "entreprise" comme travailleuse autonome, je lis toutes sortes de livres présentement en lien avec la petite
business. Cadre de référence assez différent des organismes communautaires où j'ai travaillé, où je me suis impliquée! En même temps, c'est fascinant de voir comment les catégories peuvent être brouillées: dire non aux subventions, ça peut être de l'ultralibéralisme comme ça peut être une position anarchiste, autonomiste (je ne suis pas experte dans les nuances de ces termes, corrigez-moi s'il le faut)... L'entrepreneur dit: "J'y vais, je n'attends pas après qui que ce soit, je mets en oeuvre ce projet qui me passionne pour gagner ma vie" et l'anarchiste dit : "J'y vais, je n'attends pas que les 'autorités' le fassent, je passe à l'action pour améliorer le monde dans lequel je vis". La différence entre les deux, ce serait une vision plus individualiste pour le premier et plus collective, fondée sur l'entraide, pour le deuxième?
Le Réseau pour la simplicité volontaire, pendant les années où j'y travaillais, ne recevait pas de subvention du gouvernement et à peine quelques centaines de dollars de contributions de certaines communautés religieuses. Autrement, financé par les contributions des membres. Pour garder notre autonomie, aussi parce que nous cadrions mal dans les programmes existants (un organisme qui crée un seul emploi à 3 jours par semaine, quand les programmes visent le temps plein et la croissance...). Il y a d'autres exemples d'indépendance remarquable et à plus grande échelle, comme Amnistie Internationale ou Avaaz. Est-ce la voie de l'avenir, avec nos gouvernements qui coupent? Mais est-ce que ça ne ressemble pas au modèle "la charité financée par le privé" (le privé étant dans ce cas-ci les individus, donc ça revient à une autre manière de "financement public"...).
J'entendais récemment une formatrice en lancement d'entreprise affirmer que les affaires, c'est du maillage humain, rien de plus. Est-ce que l'entreprise privée, menée avec éthique, peut être génératrice et distributrice de la richesse?
Il y a tout un courant qui prône l'abondance. Qui affirme qu'on doit dédiaboliser l'argent, qu'il y a suffisamment d'abondance dans l'univers pour tout le monde. J'ai toujours été réticente à cette approche. Est-ce qu'on parle de l'abondance des actionnaires de Wall Street, dont les profits sont parfois tirés de la déstabilisation complète de la monnaie d'un pays, du ravage d'une forêt vierge, de la guerre africaine pour les minéraux? Non, non et non, pas acceptable!
Mais je crois qu'il y a du vrai dans cette notion d'abondance, si on ne la définit par des voitures décapotables et des piscines olympiques en plein désert. Que la Terre peut nourrir, sobrement mais suffisamment, les humains (précisons: s'ils utilisent un contrôle des naissances et ne s'acharnent pas à tenir en vie des personnes dont le corps ne suit plus). La notion d'abondance doit absolument être jointe à une honnêteté rigoureuse face aux conséquences de "l'exploitation des richesses". Un des livres de
business que j'ai lu (
Le coeur aux ventes de Jean-Pierre Lauzier (oui, je lis ça!)) soulignait l'importance de cultiver en priorité le désir de sincèrement aider le client. Je crois que ces mêmes générosité et bienveillance doivent prioritairement revenir à la base des affaires des multinationales! Est-ce possible que les immenses corporations se soignent de leur cruelle dépendance au profit à tout prix?
Ces quelques lignes brossent à peine l'intégration que je sens en train de se faire en moi. Je ne crois pas qu'il soit utile de diaboliser quelque courant que ce soit, de s'accrocher à une idéologie ou une autre. En même temps, suis-je en train de me transformer en "méchante entreprise"? Boycottez-moi, quelqu'un!