vendredi 8 novembre 2013

La fin de l’abondance – Compte-rendu de lecture



J’ai terminé récemment la lecture de La fin de l’abondance de Michael Greer, paru en français ce printemps chez Écosociété.

Le titre original anglais, The Wealth of Nature : Economics as if Survival Mattered (qu’on pourrait traduire assez littéralement par « La richesse de la Nature : une économie pour la survie » ou « ... comme si la survie était importante »), fait allusion à deux ouvrages dont Greer parle effectivement. Premièrement, La Richesse des nations, le fameux ouvrage d’Adam Smith publié en 1776, au début de l’ère industrielle en Angleterre, qui posait les bases de ce qui deviendrait la théorie économique actuelle (la « main invisible du marché », c’est de lui). Ensuite, Small is beautiful : Economics as if People Mattered  de E. F. Schumacher (1973; publié en français en 1978 avec le sous-titre Une société à la mesure de l’homme). Le premier est en quelque sorte à l’origine des illusions qui mènent notre monde à sa perte et le second propose des pistes de solution. 

Selon Greer, la civilisation industrielle est sur son déclin et aura été une exception dans l’histoire de l’humanité. Une exception due au pétrole, source énergétique concentrée inégalable qui tire à sa fin, le pic pétrolier ayant été atteint. Or, le développement technologique aurait suivi la découverte du pétrole, et en dépendrait. Même l’Internet serait difficilement soutenable sans hydrocarbures, car les ordinateurs, s’ils consomment relativement peu d’énergie à l’utilisation, dépendent d’un système industriel énergivore et de fermes de serveurs qui elles, consomment beaucoup. Greer explique à l'aide de la loi de la thermodynamique que seule une énergie extrêmement concentrée peut soutenir une telle productivité, à cause de la perte de chaleur inévitable lors de la transformation. Mais pourquoi les gouvernements ne se penchent-ils pas sur la question?

En bref, Greer explique que les théories économiques qui datent d’Adam Smith et mènent le monde ne prennent pas en compte la réalité, ni physique ni sociale (il le démontre notamment à partir de la bulle immobilière qui a causé tant de dommages aux États-Unis. Cette partie de l’ouvrage est complexe et m’a fait penser qu’il me manquait un cours d’économie 101 pour bien suivre — ce qui appuie les dires de Greer quand il affirme que le monde occidental a atteint un niveau d’abstraction tel que la majorité des gens ne comprennent pas comment fonctionnent les rouages dont dépend leur vie quotidienne). Les prévisions des économistes se basent sur la théorie de l’offre et de la demande, prévoyant une augmentation de l’offre de pétrole en fonction de la demande, sans que la provenance de ces hydrocarbures soit encore déterminée. De plus, le monde financier multiplie à volonté des richesses virtuelles qui n'ont plus aucun lien avec la richesse réelle, donc les biens réels (terrains, récoltes, matières premières, produits), ce qui crée un système extrêmement fragile, qui peut s'effondrer à tout moment.
 
La fin de l’abondance émet l’hypothèse d’une diminution par paliers de notre niveau de vie, diminution qui ne sera pas optionnelle, mais qui se fera nécessairement — d’ailleurs, elle serait déjà commencée. Selon Greer, des crises amèneront les gens à vivre plus simplement, puis la situation s’améliorera un peu avant une autre diminution. Graduellement, nous en viendrons à un mode de vie plus près de la subsistance, comme dans le tiers-monde. 

Crédit: Mathieu Carpentier
Pour proposer des pistes d’adaptation, Greer s’appuie en bonne partie sur Schumacher et sa notion de technologie appropriée (ou intermédiaire) : il s’agit d’outils de base et de machines simples permettant une production plus efficace qu’à la main, mais ne requérant pas les investissements énormes nécessaires à la construction d’usines; surtout, cette technologie fournit à un grand nombre de personnes un gagne-pain autonome et décentralisé. Greer donne l’exemple de petits métiers à tisser permettant à des artisans de doubler leur production, sans les envoyer dans des manufactures où il perdent, dans le bruit et les contraintes, le contrôle de leur gagne-pain au profit d’actionnaires éloignés. Greer propose à ce sujet une analogie comique entre un robot, Al, et une travailleuse, Rosy, énumérant les avantages de la travailleuse humaine, entre autres le fait qu’elle ne requière que de l’énergie solaire (à travers les plantes et les animaux qu’elle mange) et qu’elle se reproduise « toute seule », tandis qu’Al, lui, demande de l’électricité et coûte cher à remplacer. Les moyens de transport actifs aussi sont des exemples de technologie intermédiaire.

Ce ne sont que quelques éléments de ce livre que j’ai trouvé agréable à lire en général, l’auteur ne manquant pas d’humour, et qui a suscité plusieurs conversations avec mes proches et des réflexions sur la complexité du monde.

La fin de l’abondance... d’une certaine abondance, oui. Mais qu’est-ce vraiment que l’abondance? 

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Michael GREER. La fin de l’abondance. L’économie dans un monde post-pétrole, Montréal, Écosociété, 2013.

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