Je suis de la génération qui se faisait encore dire ça. Mes grands-parents ont vécu la crise de 1929, mon grand-père racontait qu'ils mangeaient parfois de la farine grillée pour souper. Alors je comprends qu'ils aient élevé leurs enfants à ne pas gaspiller la nourriture.
Aujourd'hui, c'est autre chose. Je suis vraiment d'accord pour qu'on apprenne plutôt aux enfants à ressentir leur satiété. Moi-même, ce que j'applique dans ma vie, c'est que je ne suis pas une poubelle: si je le mange uniquement parce qu'autrement ça va être jeté, je me traite en poubelle. Pour éviter les restants d'assiette qu'on jette, va-t-on se mettre à manger tous dans le même grand plat, comme ils le font je crois au Sénégal (pour certains plats du moins)? J'en ai fait l'expérience une ou deux fois, chez mon amie Evelyne qui nous avait préparé ce plat de poisson qu'on mange avec les mains, tout le monde dans la même assiette; c'est une expérience de lâcher prise de l'individualisme habituel qui nous permet d'avoir notre territoire, notre assiette, qu'on contrôle comme on veut.
J'ai plusieurs fois entendu des histoires d'enfants adoptés qui avaient vraiment manqué de nourriture dans leur orphelinat d'origine, et qui arrivés chez leurs parents d'adoption se gavaient comme si c'était chaque fois leur dernier repas. La peur engendre toutes sortes de mécanisme de survie.
Si le prix des aliments grimpe vraiment beaucoup, si comme dans mon roman une boîte de soupe coûte 15$ et que la société, désorganisée parce qu'à court de pétrole, ne fournit plus d'emplois rémunérés à la majorité de la population, est-ce qu'on va devenir fous?
Je pose la question et je me dis que si nous avons pu nous adapter à des vies frénétiques comme celles du consommateur occidental moyen, nous adapter à ne pas crier face à la laideur des boulevards commerciaux de banlieues, nous adapter à la mélamine et aux assiettes en styromousse, nous serons bien capables de nous adapter à de la frugalité, à de la coopération nécessaire et à de nouvelles contraintes de vie. Ce n'est pas comme si la vie présente n'avait pas de contraintes! Combien de fois par jour entend-t-on dire "Je n'ai pas le choix!"?
Pour finir cette petite réflexion de fin de soirée... Un jour, au restaurant, la langue m'a fourchu et j'ai demandé un baggy dog au lieu d'un doggy bag. Nous avions bien ri, imaginant l'espèce de chien basset qui ferait le tour des tables pour engloutir les restes. Je mange rarement toute mon assiette, au restaurant. Avec l'éducation que j'ai eue (et mon intérêt à rapporter un lunch pour le lendemain), j'arrive difficilement à laisser aller les restes. J'ai longtemps été déchirée entre le choix de les jeter et celui de prendre les emballages en styromousse des restaurants (vraiment, je le sens dans mon corps, quand j'utilise ça, que ça va aller enfler un problème de dépotoirs pour des centaines, des milliers d'années). Depuis quelques années, j'apporte un plat avec moi, quand je vais au resto. Alors j'ai mon doggy bag, empreinte écologique quasi nulle. J'étais gênée de le sortir de mon sac, les premières fois. Mais on s'habitue à tout. Et tout le monde s'exclame que c'est une bonne idée, même cette amie d'amie, parisienne, qui hochait la tête en disant que ça serait inconcevable de faire ça, en France. Alors vive le Québec!
Et vraiment, on s'habitue à tout. Avec le temps, je vous le jure, on n'a même plus de réserve à faire des câlins aux arbres en public. (Ne me dites pas que vous n'avez jamais essayé ça! Un must!)
Ouiiiiii moi je fais des câlins aux arbres !
RépondreSupprimerDominique M. ;)
Yé! Thich Nhat Hanh (moine bouddhiste) le recommande d'ailleurs fortement!
RépondreSupprimerSalut Jacinthe
RépondreSupprimerPas terminé ton livre,mais j'avance. Tes personnages sont bien campés et, rendu où je suis,je me demande si Marie-Sophie, trahie par son père, va revenir chez Yohann et cie. Je l'espère.Je souhaite qu'on en n'arrive pas à la situation fictive décrite dans ton livre, i.e un bidonville style Palettes, pour se réveiller de notre confort béat avant qu'il soit trop tard. N'empêche que moi-même aurait de la difficulté de me départir de certains plaisirs,comme le chocolat, etc. Bon, ma proposition suivante est simple: j'aimerais bien avec ton accord rédiger un compte-rendu pour la revue l'Itinéraire. Je vais montrer ton roman demain à la rédaction. C'est ta décision, en tout cas, ça ferait connaître ton livre. Laisse-moi savoir...
Amitiés
Norman R
Merci beaucoup, Norman! Je t'écris un courriel là-dessus! Amitiés, Jacinthe
RépondreSupprimerBonjour Jacinthe,
RépondreSupprimerje suis une amie de ta soeur Lucie; nous nous sommes déjà rencontrée au bas de chez toi, nous avons rapidement échangé sur le Guaté... Tu me replaces ? :)
Lucie me partage souvent des invitations ou autres infos pour ton livre. J'avais hâte de prendre le temps de visiter ton blogue. Ça y est, je crois que je serai accro. Tes réflexions et préoccupations rejoignent les miennes.
Je vais commander Cité carbone dès ce soir. J'ai beaucoup envie de le lire, même si - ou plutôt surtout parce que ? - mon travail consiste justement à mobiliser la population aux enjeux alimentaires et climatiques dans une perspective de solidarité internationale. En effet, nous venons de lancer dans 40 pays la plus grande campagne sur la justice alimentaire : CULTIVONS. LA TERRE. LA VIE. LE MONDE.
http://oxfam.qc.ca/fr/campagnes/cultivons
Je te remercie d'ores et déjà pour le livre et le blogue. Ça m'interpelle tout particulièrement. :)
Marie
http://unefamilledelaterre.hautetfort.com/
Merci beaucoup, Marie! Je vais aller voir la campagne d'Oxfam, c'est effectivement très relié, et tellement pertinent! Au plaisir de se recroiser autour des poussettes!
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